Le chat, savait.
Avant moi.
Il a dressé la tête,
A sauté du lit pour aller s’installer sur le fauteuil. Peu après,
J’ai entendu la voiture dans la rue.
Rapidement,
Je ferme le livre que je tiens. Je le laisse tomber par terre. J’éteins la lampe de chevet. Je me couche sur le côté, Dos à la porte.
Je tire la couette,
Jusque sous mon nez.
J’ai lu.
Inutiles secondes,
Interminables minutes,
Heures d’éternité.
J’ai lu,
Je n’ai pas la mémoire du texte.
J’ai passé la soirée à regarder l’heure.
Le temps a pris un malin plaisir à me voir,
Tourner,
Virer dans cet appartement.
Toujours,
Dans ma tête,
En boucle.
Cette chanson.
Désespérant de me libérer de son impatiente obsession. Il rentre ce soir !
Certes,
Ce n’est pas la première fois,
Je connais le décompte précis de nos retrouvailles.
Enfin !
Son pas dans l’escalier.
Enfin !
Sa clef dans la serrure.
Enfin !
La porte qu’il ouvre.
L’appartement silencieux. Doucement.
La porte qu’il referme
Le sac qu’il pose dans le vestibule. Le bruit d’une fermeture éclair
Le blouson qu’il laisse tomber.
Les chaussures qu’il enlève à la hâte.
Il est là !
Ces trois mots farandolent dans ma tête. Je le devine,
Pousser la porte de la chambre.
Déposer sa montre sur le chevet.
Se déshabiller discrètement.
J’effectue le décompte des vêtements. Je les entends glisser sur le sol.
Il est nu.
Je sens son odeur,
Mêlée à celles
Du train,
De la ville,
Du dehors.
Il est là !
Ces trois mots ;
Comme un ballet dans ma tête.
Mon cerveau mis à rude épreuve durant ces dernières heures se rebelle : « Bouge-toi !
Sors de cette stupide farce ! »
Oui,...mais... non
Mais,
Je lui tourne le dos.
Il soulève la couette,
Se glisse dans le lit.
Il est à côté de moi.
Je bouge légèrement,
Un peu comme un enfant dont on trouble le repos. II se rapproche,
Je sens sa respiration sur ma nuque.
Il y dépose un baiser léger.
Presque timide,
Un baiser d’excuses.
Alors,
Je me colle contre lui.
Je sens son bras se frayer un chemin sous mon oreiller ; Je glisse mes doigts dans la main qui frôle mon visage. Doucement j’attrape son autre main sur ma hanche,
Je la ramène sur mon sein.
Sa main sur mon cœur ;
Ma main posée sur la sienne ;
Mes doigts dans les siens.
Il ne peut que sentir la course folle des battements de ce cœur, Impossible d’en maîtriser le rythme.
Folle cadence,
Vengeance insidieuse,
De la partie révoltée de mon cortex.
Ainsi,
Enfermé dans ses bras,
Nos doigts maillés les uns aux autres,
Je le sens infiltrer un pied entre les miens,
Je le laisse glisser une jambe entre les miennes. Méli-mélo l’un de l’autre.
Nos corps se fondent
Je le réchauffe de ma peau.
Sentir la sienne m’apaise.
Il est là !
Puis,
Je murmure son prénom.
Je n’attends pas de réponse. Je sais.
Il va chuchoter :
- « C’est moi ... ». Une nouvelle fois,
Je murmure son prénom. Comme,
Une prière, Comme,
Un mot doux.
Je sais.
Il répondra :
- « Je suis là ... »
Mes lèvres se poseront sur sa main. Il est là !
Déjà
Il est tard.
Son corps contre le mien.
Mon corps contre le sien.
Moi,
Otage volontaire de cet homme,
Lui,
Prisonnier consentant de ma personne. Ses lèvres sur mon cou.
Je perçois le sommeil qui le gagne.
Encore,
Un peu,
Je voudrais rester éveiller. Cette nuit,
L’écouter dormir.
Le sentir rêver,
Ainsi,
Il n’appartient qu’à moi.
Je ne peux veiller. La nuit m’emporte.
Je calle ma respiration sur la tienne, J’embrasse ta paume.
Ma dernière pensée pour toi :
« Ton corps, à mon corps, se fait lourd,
Bonsoir, bonne nuit mon amour... *»
Dans un premier sommeil.
J’entends le chat qui quitte le fauteuil de la chambre pour le canapé du salon.
*(‘A peine’. Barbara)
Jules